En quoi consiste exactement votre métier chez Fleuron d’Anjou?
Je suis le responsable technique au sein de l’activité
légumes développée par Fleuron d’Anjou. J’occupe un poste de conseil et d’appui au développement technique des productions légumières.
C’est un métier d’animation technique, à proximité de la qualité et du commerce, au sein de l’entreprise.
Combien d’agriculteurs « suivez-vous » ? Quelle est la place de l’échalote ? Combien existe-t-il de variétés ?
Nous travaillons avec 90 producteurs de
légumes, qui cultivent une gamme large s’articulant autour de cinq grandes familles : l’asperge, les légumes bottes (dont le radis), la mâche, les légumes anciens (topinambour, panais, etc.) et les bulbes condimentaires (échalions, échalotes).
Au total, nous travaillons sur 800 ha de culture. L’échalote est notre culture emblématique, elle concerne 35 exploitations et 3.500 tonnes annuelles (la majorité de la production angevine). Nous représentons ainsi le deuxième site d’activité en France après le Nord Finistère. Nous cultivons deux
variétés de type « long »,
Vigarmor et Jermor, et sommes à l’étude pour des nouveautés.
Quel est le « terroir » idéal pour l’échalote ? Et comment se déroule sa culture, en quelques mots ?
C’est une plante qui aime les sols limoneux alluviaux, fréquents dans notre région des bords de Loire. Elle apprécie particulièrement un climat tempéré, comme en Anjou (la fameuse douceur angevine !).
Elle est plantée à partir de fin février puis récoltée à partir de mi-juin sous forme « précoce », ou début juillet pour la « conservation ». Nous en vendons toute l’année grâce au stockage au froid.
Pouvez-vous nous expliquer les différences entre l’échalote issue de semis et l’échalote issue de plants (échalotes de tradition) ?
Historiquement, l’échalote est une plante qui se reproduit végétativement, c'est-à-dire par plant. Les
variétés que l'on travaille aujourd’hui sont issues des travaux d’amélioration effectués par l’INRA depuis le début des années 80, tout d’abord à partir de la régénération de vieilles populations par culture de méristèmes, puis par
croisement sexué avant retour au clonage.
L’échalote issue de semis qui est proposée dans le commerce est plus récente. Elle est issue du travail d’un
sélectionneur privé néerlandais. Les différences portent à la fois sur l’aspect et sur le goût du produit. Ces différences sont assez subtiles, et il faut un consommateur éclairé pour les reconnaître !
Que représente aujourd’hui la concurrence des échalotes de semis néerlandaises ?
On ne connaît pas les surfaces exactes des cultures d’échalotes issues de semis, car seul l’
obtenteur les connaît. Toutefois, nous savons que ce produit s’est développé sous l’appellation « échalote » de façon importante depuis une dizaine d’années.
Cette concurrence est source d’inquiétude pour la production d’échalote traditionnelle parce que c’est une culture mécanisable en totalité, à l’image de celle de l’oignon. Les producteurs d’oignons pourraient s’en emparer rapidement et à grande échelle. Comme l’équilibre du marché est instable, une petite quantité de plus pourrait provoquer l’effondrement du marché de l’échalote.
C’est une inquiétude économique pour la filière mais aussi globalement vis-à-vis du consommateur. Si ce produit issu de semis se développait, la filière traditionnelle pourrait disparaître. Le consommateur serait le « dindon de la farce », il ne trouverait plus l’échalote traditionnelle, et la constance de son goût raffiné. On lui proposerait à la place une échalote issue de semis dont le gout s’éloignerait potentiellement de plus en plus du vrai goût de l’échalote, les
semences d’oignon étant moins chères à produire.
D’après vous, les consommateurs ont-ils conscience du débat actuel concernant ce produit ?
Malheureusement non ! Le consommateur peut difficilement faire la différence, car il fait confiance à l’étiquette. Toutes proportions gardées, un vrai enjeu de consommation se joue derrière cette concurrence.
Il est nécessaire de continuer à contester les
variétés qui s’éloignent de la définition de l’échalote. Tous les acteurs de la filière, de la production à la consommation, doivent être convaincus de la nécessité de garantir l’identité de l’échalote, qui doit rester un produit « haut de gamme » et se pérenniser dans l’avenir…