Pourquoi faire le choix de cultiver du riz ?
Quand on dispose d’une exploitation en Camargue, il ne s’agit souvent pas d’un choix, mais d’une nécessité. En effet, les terres se trouvent à 50 cm, voire à 2 m, au-dessus du niveau de la mer. On assiste donc à des remontées de sel dans les sols. Sans inondation régulière, ceux-ci seraient trop salés pour permettre les cultures. C’est pourquoi les inonder d’eau douce, comme on le fait en cultivant du riz, permet ensuite d’effectuer une rotation avec d’autres cultures.
Quelles sont les espèces présentes dans votre rotation ?
Sur mon exploitation, qui avoisine les 300 hectares, je cultive environ 180 hectares en riz et le reste en blé dur. J’essaye de faire le plus de rotations possible, c’est-à-dire que j’essaye de sortir de la monoculture de riz tous les trois à cinq ans sur une parcelle donnée. Mais le temps peut perturber cette rotation. En effet, la récolte a lieu en octobre, une période orageuse dans le sud de la France.
Si les terres sont humides, les moissonneuses batteuses qui récoltent le riz peuvent laisser des traces de plus de 50 cm de profondeur. Le sol est donc impossible à travailler pour y implanter du blé. J’attends donc, chaque année, des conditions climatiques plutôt sèches pour réaliser la rotation.
Quel est le principal problème rencontré dans la culture du riz ?
L’enherbement. En effet, comme nous cultivons du riz plusieurs années de suite sur une même parcelle, du riz sauvage s’installe au sein des cultures. Or, il s’égrène avant le riz cultivé et perdure ainsi d’années en années, car on ne peut pas utiliser d’herbicide contre lui … c’est aussi du riz !
Pour lutter contre la propagation du riz sauvage, on utilise la technique du faux semis. On travaille les terres pendant l’hiver, puis on submerge les rizières pendant un mois environ. Le riz sauvage commence à pousser, c’est alors qu’on utilise un désherbant. Une fois que la parcelle a été nettoyée, on peut semer. Mais cette parade a ses inconvénients : mettre une terre en eau entraîne le développement de parasites et de champignons, et donc la mise en place d’un milieu hostile pour le riz qui sera semé.
Vous cultivez du riz rond et du riz long. Pourquoi ?
Il existe deux grandes familles de riz : le riz japonica (riz au grain long et rond) et le riz indica (riz du sud-est asiatique aux grains très longs et très étroits). En Camargue, nous cultivons surtout le japonica, car nous privilégions un cycle court. Cela n’empêche pas le cultivateur de bénéficier d’un choix de
variétés très large. En effet, le
Catalogue européen en recense plus d’une cinquantaine.
Les trois types de variétés que je cultive sur mon exploitation sont les suivantes : riz long A, riz rond et riz long B. Ce choix se fait selon les débouchés commerciaux qui, en ce qui concerne la Camargue, passent principalement par l’usine de transformation de riz Soufflet, qui prend en charge 80.000 tonnes de riz rond chaque année.
Quels critères recherchez-vous dans une variété de riz ?
Je retiens cinq critères principaux. Premièrement, la vigueur à la germination. En effet, il faut que le riz lève vite, même en période fraîche, pour ne pas se laisser gagner par les adventices. Deuxièmement, il doit avoir un cycle court avec une floraison entre le 25 juillet et le 15 août, car une fois que les orages ont commencé, la fécondation est mauvaise. Ensuite, mieux vaut que la variété soit résistante à la pyrale (insecte parasite), car il est plus difficile de traiter les cultures en Camargue, qui dispose d’un statut de parc naturel régional.
La performance en termes de rendement s’avère aussi un critère fort. Enfin, le riz doit être capable de subir sans dommages les transformations qui vont suivre la récolte, comme l’étape qui consiste à enlever la balle qui entoure le grain. En effet, le cultivateur est payé selon le rendement usinage, et donc selon la quantité de grain restant une fois que le grain est nu. Il s’agit donc d’avoir le moins possible de grains fractionnés.
Vous cultivez également des semences. Est-ce contraignant ?
Il se cultive en Camargue de 300 à 500 hectares de
semences chaque année. La seule obligation que cela comporte : implanter les cultures sur des terres vierges de riz depuis cinq ans pour éviter les contaminations. Une fois qu’on arrive à épiaison, des travailleurs arrachent les mauvaises herbes pour que la semence de riz obtenue soit pure.
Je cultive ces semences par conviction, car je participe à la recherche variétale avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et le groupe coopératif Sud Céréales. Je suis également le vice-président de la Fédération nationale des
agriculteurs-multiplicateurs de semences (Fnams).